Savoir si une lettre de motivation est nécessaire pour une candidature ou non est un grand débat depuis plusieurs années. Pour les CFF, la réponse est non, car depuis octobre 2019, il est clairement mentionné dans leurs offres d’emploi qu’ils ne souhaitent plus recevoir de lettre de motivation de leurs candidats. Une interview avec Leila Claivaz, Lead Link Recrutement Suisse Romande des CFF.
Mathias Steger : Pour quelles raisons avez-vous décidé de ne plus demander de lettre de motivation aux candidats ?
Leila Claivaz : L’expérience candidat est une priorité pour nous et nous avons souhaité simplifier la démarche de postulation auprès des CFF, comme c’est d’ailleurs le cas sur certains réseaux professionnels. Selon différentes études que nous avons examinées, la lettre de motivation n’a jamais réellement été un critère de recrutement pour évaluer les compétences ou la personnalité́ des candidats.
Est-ce que cela s’applique pour l’ensemble des professions et offres d’emploi des CFF sur la totalité du territoire Suisse ?
Oui, c’est valable pour toutes nos offres d’emploi, sans exception. Concernant notre démarche, c’est exactement la même dans toute la Suisse. En effet, notre département, Sourcing Recrutement et Talents travaille sur ces thématiques pour toute la Suisse et touche donc autant le Tessin, la Romandie que la Suisse allemande.
La lettre de motivation n’a jamais réellement été un critère de recrutement pour évaluer les compétences ou la personnalité́ des candidats.
Quels sont les avantages d’une candidature sans lettre de motivation ?
Les avantages sont la simplicité́ des démarches pour le candidat et la qualité de l’échange basée sur la motivation lors d’un contact plus personnel.
Voyez-vous aussi des inconvénients ou des risques ?
Nous nous devons d’être encore plus vigilants dans la phase de présélection, avec les questions posées aux candidats pour lever certaines attentes qui auraient pu être exprimées dans une lettre de motivation, comme le taux d’activité, la disponibilité ou encore des questions sur le poste. D’ailleurs nous utilisons d’autres techniques innovantes de présélection. Par exemple, nous posons aux candidats 2 ou 3 questions obligatoires lors du processus de candidature ou nous utilisons un entretien vidéo avec des questions préenregistrées auxquelles le candidat peut répondre lorsqu’il est disponible.
Quelles sont les réactions des candidats ?
La grande majorité́ des réactions reste positive ! Les candidats apprécient la modernité́ de notre processus de recrutement. Pour ceux qui souhaitent faire une lettre de motivation, cela reste possible. Nous n’avons pour le moment remarqué aucune différence de réaction en fonction des régions en Suisse.
Est-ce que cela signifie que le CV devient plus important ou qu’il doit être plus détaillé ?
Le CV reste la carte de visite des candidats et son utilité dans ce sens est renforcée. Un recruteur va toujours regarder en priorité́ cet élément d’un dossier de candidature. De plus, pour nous la priorité́ reste la rencontre avec nos candidats qui nous permet de réellement les découvrir.
Pour nous, la priorité́ reste la rencontre avec nos candidats qui nous permet de réellement les découvrir.
Comment estimez-vous la motivation des candidats sans lettre de motivation ?
Nous estimons que tout candidat faisant une démarche de postulation auprès des CFF est motivé à nous rejoindre. Les autres éléments de motivation spécifiques comme le poste, le chef et l’équipe ne peuvent être exprimés qu’après des échanges plus interactifs qu’une lettre de motivation.
Vous mentionnez dans vos annonces « Si vous souhaitez néanmoins nous faire part de votre motivation en utilisant vos propres mots, avec un site Internet ou par le biais d’une vidéo, vous avez la possibilité́ de le faire depuis notre outil de candidature, comme jusqu’à présent». Combien de candidats vous envoient encore des lettres de motivation ?
Lors du lancement de cette démarche en octobre 2019, nous avions encore 50% de postulations avec une lettre de motivation et depuis ce pourcentage ne cesse de diminuer.
Recevez-vous aussi des images, des vidéos ou d’autres supports qui expriment la motivation des candidats ?
Oui, nous recevons des vidéos et des images de la part de nos candidats. Ceci plus particulièrement, pour des postes où la créativité́ est attendue. Nous sommes d’ailleurs agréablement surpris par la qualité́ de ce qui nous est proposé́.
Pensez-vous que cette procédure de candidature soit aussi envisageable pour d’autres entreprises ? Quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui souhaite mettre en place la même procédure de candidature?
C’est une démarche de conviction qui est tout à fait accessible pour tout type d’entreprise soucieuse de dynamiser son image d’employeur. Il faudra cependant être attentif à la communication et à l’argumentation sur ce sujet autant à l’interne qu’à l’externe.
Leila Claivaz travaille depuis avril 2018 pour les CFF où elle est la Lead Link du recrutement Suisse Romand qui compte 7 recruteurs et une Assistante Administrative. Elle a débuté sa carrière dans la chasse de tête en 2007, ensuite elle a géré des équipes de recrutement dans l’industrie horlogère. Au sein du département SRT (Sourcing, Recrutement et Talents) qui fonctionne en holacratie, elle a également des rôles de sourceuse et de Diversity Champion pour toute la Suisse.