Découvrez régulièrement sur notre blog des articles écrits par des spécialistes et experts du monde des Ressources Humaines. Nous avons à coeur de donner à ces auteurs une totale liberté tant sur le choix des sujets que sur l’angle d’analyse. Découvrez ci-dessous l’article rédigé par Bilan, média de référence dans le domaine économique en Suisse romande.
Avec l’explosion de la technologie, des communications virtuelles, des processus dépersonnalisés, des robots et autres bots, l’aspect humain s’efface progressivement dans les entreprises… Comment adapter son management face à ces nouvelles réalités ?
C’est un enjeu majeur dans toutes les entreprises: pour s’adapter à cette disruption massive qu’est la digitalisation, elles auront besoin de compétences qui n’existent pas encore… Elles doivent donc être attractives et en ce qui concerne l’humain et la qualité de vie, pour attirer et développer les meilleurs talents. Et pour cela, un management adapté sera crucial. Marcel Goldschmid dispose d’une longue expérience en tant que consultant et coach en management auprès de PME comme de multinationales. Formé en Europe et en Amérique du Nord en psychologie, il a également été professeur aux Etats-Unis (UCLA, Berkeley) au Canada (McGill) et en Suisse (EPFL). Basant son analyse sur de nombreuses études, il partage avec nous cinq conseils pour les managers à l’heure de la digitalisation.
1 – Prendre conscience de l’importance de l’humain… et se remettre en question !
De nombreuses études montrent clairement que le bien-être des collaborateurs au travail rime avec productivité : moins d’absentéisme et de rotation, une image positive de l’entreprise, la fidélisation des talents, plus d’innovation et de meilleurs rapports avec la clientèle.
La prise de conscience est une première étape, mais concrètement, comment le manager peut-il mettre en place et participer à ce climat de bien-être au travail ? Pour Marcel Goldschmid, il faut d’abord commencer par se remettre en question. « Pour avoir une idée de la perception de son management et éventuellement l’ajuster, il est essentiel de demander un feedback direct aux employés. Cela semble du bon sens, mais très peu de managers le font… »
Ici, les outils technologiques peuvent être une aide, via un sondage en ligne anonyme par exemple. Pour obtenir un feedback correct et sincère, il faut aussi établir une relation de confiance. « Et surtout, s’il y a des choses à corriger, il faut qu’il y ait une action qui suive ! Car si on ne fait rien après avoir consulté les collaborateurs, le sentiment peut être pire que si on ne posait pas de questions, car on suscite une attente ». Différentes actions concrètes peuvent transformer une ambiance de travail, en montrant que l’on a pris en compte les remarques. Il peut s’agir de changer un processus de validation, de donner un peu plus d’autonomie dans la gestion d’un projet, ou encore de réduire le nombre et la durée des réunions.
2 – Dépoussiérer son management
« Alors que le travail dans le monde subit un changement extraordinaire, la pratique du management est restée gelée depuis plus de 30 ans », relevait l’étude de référence menée par Gallup, la plus grande enquête internationale sur le management, menée dans 140 pays. « McKenzie, Deloitte ou Gallup, tous les grands cabinets de consultants font le même constat amer : beaucoup de gens détestent leur job, et spécialement leur chef ! Et la situation se dégrade même ces dernières années, avec un niveau d’engagement moyen de 15% seulement. » Pour Marcel Goldschmid, il est inquiétant de constater que plus de 80% des employés sont désengagés. Pire : entre 15% et 20% sont « activement désengagés », et peuvent même vouloir nuire à leur entreprise.
La raison première de ce désengagement est la qualité du management du supérieur direct, d’où l’expression : « on rejoint une entreprise et on quitte un manager ». Toujours d’après l’étude de Gallup, seuls deux managers sur 10 auraient les qualités naturelles pour exercer ce rôle.
Pour Marcel Goldschmid, il faut absolument faire évoluer le management pour enrayer ce phénomène de désengagement. L’approche hiérarchique traditionnelle actuellement en place (pyramidale, top-down, command and control) ne répond plus aux attentes des collaborateurs selon lui. Il faudrait passer de la logique « command and control » à une logique de collaboration et d’intelligence collective. Google par exemple fait très attention au coaching et accorde beaucoup d’autonomie aux collaborateurs, avec 20% de leur temps de travail pouvant être consacré à leurs propres projets. « Google a découvert que de nombreuses innovations développées par l’entreprise par la suite avaient justement été initiées durant ces plages de temps, car les collaborateurs sont très engagés ».
3 – Ne pas négliger l’espace physique du travail
Les deux composantes principales de l’environnement du travail sont constituées par la dimension humaine et par l’espace physique. Ce second point n’est pas à négliger d’après Marcel Goldschmid, puisque le bureau est un lieu de vie où les travailleurs passent souvent plus de temps qu’à leur propre domicile.
« L’espace physique est ressenti dans bien des entreprises comme impersonnel et en rupture avec l’environnement du foyer. Dans ces grands espaces repartis en petites cubes et gris, personne ne s’y sent vraiment bien! Les gens ne changent pas fondamentalement en passant la porte de l’entreprise : ils recherchent un environnement accueillant, chaleureux et où l’on se sent bien ».
Inutile pourtant d’entreprendre une rénovation totale de vos locaux. Là aussi, le coach suggère d’avancer pas à pas, en aménageant des espaces privés et communs confortables, en ajoutant des touches de couleurs et de la décoration. Varier les ambiances et les environnements stimulent par ailleurs la productivité. Et là aussi, écouter l’avis des collaborateurs est une bonne idée. « Il faut également trouver des solutions modulables et agréables pour les collaborateurs adeptes du télétravail ou ceux à temps partiel, qui sont de plus en plus nombreux. Cela ne fait pas de sens de bloquer des places de travail identiques à celles occupées par des postes fixes à 100% ».
4 – Valoriser les collaborateurs
Le fait d’être apprécié et traité comme une personne et pas uniquement comme un moyen de production est primordial pour la plupart des collaborateurs. « Pour le manager, il est essentiel d’identifier les forces et les motivations spécifiques de chacun et de les utiliser de façon optimale, ce qui améliorera le niveau d’engagement et sera bénéfique à l’entreprise », précise le coach. Pour cela, le manager peut confier de nouvelles tâches, encourager à prendre des initiatives et expérimenter de nouvelles voies.
S’il ne fallait retenir qu’une seule chose ? « Pour moi le plus important quand on veut valoriser ses collaborateurs c’est de les écouter ! Il peut s’agir de dire simplement : que puis-je faire pour que vous vous sentiez bien ? Pour améliorer vos compétences ? ». Il faut aussi reconnaître quand un collaborateur délivre un bon travail. Une simple petite phrase suffit pour le souligner. Et bien sûr, il faut aussi discuter en toute honnêteté d’un comportement qui devrait être amélioré.
Prendre au sérieux le développement des compétences des collaborateurs est aussi important dans un monde changeant. « On essaye de bien connaître la personne quand on la recrute, mais ensuite on perd un peu de vue son profil. Ce qui est dommage car en en ayant une bonne vision du profil des collaborateurs, on peut améliorer les points forts de ses équipes». Pour les nouvelles générations, qui recherchent surtout le sens et l’utilité de leur travail, le développement personnel et l’enrichissement de leurs compétences sont prioritaires.
Comment mettre en place cela? En tous cas pas via une évaluation annuelle d’après le consultant, qui juge ces entretiens désuets et inefficaces. « Tout le monde a oublié ce qu’il s’est passé il y a six mois ! Quand il y a des soucis, il faut les régler le plus rapidement possible. Même chose pour les succès ou les volontés d’avancement, il faut en parler proche de l’action ou de l’événement ». Pour le consultant, le fait de revoir l’ensemble de “l’expérience collaborateur” permettra d’améliorer le vécu au travail en profondeur. L’adéquation de l’espace physique, les émotions ressenties, le sens du travail et les rapports avec la hiérarchie jouent un rôle décisif dans l’appréciation de l’environnement au travail et sa contribution au bien-être.
5 – Anticiper l’avenir du travail
Anticiper l’avenir du travail commence dès aujourd’hui. Les managers ne doivent pas hésiter à se documenter sur les pratiques managériales dans d’autres secteurs, voire d’autres pays pour alimenter leur réflexion. Ils peuvent aussi participer à des formations et workshop, ou encore échanger avec d’autres managers.
Citant les observations du World Economic Forum, Marcel Goldschmid rappelle que le monde n’est pas seulement en train de changer rapidement, il est déjà complètement transformé. Les avances et disruptions technologiques sont telles que nous avons de plus en plus de peine à suivre et à nous adapter.
Les défis auxquels devront faire face les entreprises sont nombreux: la digitalisation à tous les niveaux et dans tous les secteurs, les nouvelles générations d’employés avec d’autres attentes et perspectives seront en majorité, le nombre de freelancers ou travailleurs indépendants explose, la robotisation aura remplacé près de la moitié des jobs et de nouvelles professions, encore mal définies, se profilent à l’horizon.
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