Découvrez régulièrement sur notre blog des articles écrits par des spécialistes et experts du monde des Ressources Humaines. Nous avons à coeur de donner à ces auteurs une totale liberté totale tant sur le choix des sujets que sur l’angle d’analyse. Découvrez ci-dessous l’article rédigé par Christoph Jordi, fondateur et CEO de DoD!fferent et auteur de la chronique fictionnelle mensuelle « Julie Martin ». Christoph Jordi enseigne également à l’Institut suisse pour l’économie d’entreprise.
Julie sent son visage chauffer. Sa pression sanguine est tellement élevée qu’elle a l’impression que ses veines vont exploser. Sa boîte email est pleine, son téléphone ne cesse de sonner et son enfant est malade. Elle se trouve devant un dilemme : son plus grand projet chez Bentex (qu’elle a développé et mis au point toute seule) est enfin prêt pour la mise en service, mais son enfant, la chair de sa chair, est malade, fiévreux et pleure à la crèche. Jusque-là, Julie a toujours pensé que ce genre ne choses n’arrivaient qu’aux autres parents.
Une heure plus tôt, Julie traversait pile à l’heure la réception de Bentex. Elle se réjouissait de la journée qui s’annonçait car son système d’archivage serait enfin mis en service dans toute l’entreprise. Son système efficace de numérisation et d’archivage de documents avait tout de suite impressionné Alina et était déjà utilisé au département des finances. La direction a, elle aussi, remarqué le gain de temps considérable permis par ce système et a décidé de l’installer dans toute l’entreprise.
Après de longues semaines d’élaboration et d’optimisation, le grand jour est enfin arrivé. Le système va être introduit dans tous les départements. Julie est responsable de l’opération et doit être atteignable toute la journée pour répondre aux éventuelles questions. Elle a certes envoyé un email d’information, mais elle s’attend quand même à de nombreuses questions. A 8h20, le téléphone sonne déjà et Julie répond. « Julie, c’est toi ? », demande la voix d’un jeune homme apparemment plutôt préoccupé. « Oui, c’est moi. Tout va bien, Florian ? », demande à son tour Julie, alarmée par le ton de sa voix. « Oui, oui. Enfin, non. Il a déjà vomi deux fois et n’arrête pas de pleurer. Nous venons de prendre sa température, il n’a pas encore de fièvre. Mais je ne peux pas le garder dans cet état, il faut que tu viennes le chercher », conclut Florian. Zut ! pense Julie. Ça ne peut pas être vrai, c’est pile le mauvais jour pour que mon enfant tombe malade et que mon mari soit en voyage d’affaires.
Julie réfléchit à toute vitesse : « Mon pauvre petit…mais je ne peux pas quitter le bureau aujourd’hui, c’est mon projet qui est en jeu. Je ne veux absolument pas déléguer. Qui pourrais-je envoyer le chercher à ma place ? » « Julie, tu es encore là ? » Florian l’arrache de ses pensées. « Oui, Flo, désolée. Je cherche simplement une solution. Jonas est en voyage d’affaires et je réalise aujourd’hui mon projet le plus important. Je te rappelle dans 10 minutes, le temps de trouver une solution. Ça joue pour toi ? », demande Julie avec mauvaise conscience. « Oui, d’accord », répond Florian, en essayant de dissimuler son inquiétude. « Est-ce que ça va, Julie ? », demande Sonia, sa collègue de travail, en voyant Julie raccrocher, blanche comme un linge. « Deux secondes », répond-elle car son téléphone sonne à nouveau. « C’est Klaus, de l’administration. J’ai une question pour l’archivage », annonce la voix à l’autre bout du fil. Julie répond à la question, avant de se retourner vers Sonia. « Mon fils est malade et Jonas est malheureusement – » Le téléphone sonne à nouveau et Julie fait signe à Sonia qu’elle doit interrompre leur conversation. C’est au tour de Jana du département marketing de poser sa question. A peine Julie a-t-elle raccroché qu’elle finit d’expliquer la situation à Sonia, tout en composant le numéro de la nounou d’urgence. Elle tombe sur son répondeur. Quelle galère ! pense Julie.
Désespérée, elle tente d’appeler sa mère. Elle coince l’appareil entre son oreille et son épaule, puis ouvre sa boîte email : trois nouveaux messages avec pour objet « système d’archivage ». « Julie, ma chérie, comment tu vas ? », répond la voix de sa mère à travers le téléphone. Les doigts de Julie s’activent à une vitesse folle sur son clavier, alors qu’elle explique la situation à sa mère. « Oh, je suis désolée, ma chérie, mais je suis en route pour aller voir ta sœur. Je suis déjà dans le train, il me faudrait plus de deux heures pour arriver à la crèche. » Julie accueille la nouvelle le cœur battant et souhaite un bon voyage à sa mère. Sonia lui lance un regard par-dessus son ordinateur, sans rien dire. Finalement, Julie prend la parole. « Sonia, je ne trouve personne. Et quand il est malade, il n’y a que moi qui puisse le calmer. » Sonia n’a pas l’air enchantée par la nouvelle. « Ce n’est pas possible, Julie. Il ne peut pas rester à la crèche ? Après tout, vendredi est ton jour de télétravail », propose Sonia. Sonia, qui n’a pas d’enfant. Jamais une mère n’aurait pu proposer une telle chose. Julie considère un instant cette possibilité, avant de se reprendre immédiatement. Je ne peux tout de même pas laisser tomber mon enfant malade, pense-t-elle. « Non, ça n’ira pas. Et si je faisais mon jour de télétravail aujourd’hui, que je déviais tous mes appels sur mon natel et que je prenais l’ordinateur du travail ? », demande Julie. Sonia la regarde, l’air de penser « j’aurais dû m’en douter : on ne peut pas se fier à une mère », mais répond : « Non, ce n’est vraiment pas possible. Il se peut qu’il y ait un problème que tu ne pourras pas régler par téléphone. Il serait préférable que je me charge moi-même de la mise en service de ton système. »
Le sang de Julie ne fait qu’un tour. Non, elle ne peut pas laisser passer ça. « Tu sais quoi ? J’ai trouvé la solution », annonce-t-elle, en se levant. « Je vais commencer par appeler Alina et lui expliquer la situation. Ensuite, je vais dévier mes appels sur mon natel, comme je l’ai dit, et emporter l’ordinateur du travail. S’il y a réellement un problème qui nécessite ma présence, je t’appellerai et te donnerai les instructions pour que tu puisses me remplacer. » Julie regarde Sonia droit dans les yeux et parle sur un ton qui ne laisse place à aucune discussion. Lorsqu’elle a fini de rassembler ses affaires, elle se sent enfin soulagée. Comment a-t-elle pu, ne serait-ce que pendant une seconde, reléguer son enfant à la deuxième place ? Cela ne fait aucune différence qu’elle réponde aux appels et aux emails du travail ou depuis chez elle. En revanche, cela représente une différence énorme que son enfant doive supporter une maladie sans sa mère.
Tous les parents qui travaillent connaissent cette situation, car un enfant ne se plie pas aux règles et aux rendez-vous de l’employeur. Les besoins d’un enfant sont imprévisibles. Souvent, il tombe malade pile « au mauvais moment », bien qu’il existe rarement de « bon moment » pour cela dans le quotidien professionnel. Les parents doivent être particulièrement flexibles pour pouvoir assumer leurs responsabilités. Dans la plupart des cas, il existe une solution, aussi peut conventionnelle soit-elle.
Christoph Jordi est fondateur et CEO de DoD!fferent et auteur de la chronique fictionnelle mensuelle « Julie Martin ». DoD!fferent propose des conseils stratégiques et met l’accent sur la marque employeur. Christoph Jordi enseigne également à l’Institut suisse pour l’économie d’entreprise, où il s’occupe de la formation Cert. Employer Branding.