Depuis des années déjà, les entreprises utilisent Facebook pour leur recrutement en partageant leurs offres d’emploi sur leur profil, par exemple. A présent, le plus grand réseau social du monde lance une nouvelle fonction permettant aux entreprises de publier leurs annonces directement sur Facebook. Dans un premier temps, cette fonction ne sera disponible qu’aux Etats-Unis et au Canada. En plus de son fonctionnement, il reste la question de son introduction sur la marché suisse et de ses conséquences.
Le recrutement sur les réseaux sociaux (ou « Social Recruiting ») occupe de plus en plus les experts RH. Ce terme désigne trois concepts : le partage d’offres d’emploi, le sourcing ciblé de candidats et la publicité payante sur les réseaux sociaux pour promouvoir les annonces sur les portails d’emploi. Les plateformes de réseautage Xing et LinkedIn essaient également de proposer à leurs clients des solutions de recrutement payantes. Il semblerait donc que Facebook veuille aussi sa part du gâteau. Mais est-ce vraiment possible ?
- Comment fonctionne Facebook Jobs ?
Cette nouvelle fonctionnalité permet aux entreprises d’ajouter à leurs pages de profil un onglet « Jobs » et d’y publier gratuitement leurs offres d’emploi. Les annonces sont ensuite injectées dans le fil d’actualité des abonnés de l’entreprise, dans un format qui diffère des mises à jour de statuts classiques. De plus, les entreprises ont la possibilité de transmettre leurs annonces directement à un groupe-cible défini, grâce à une formule payante. Les candidats intéressés envoient leur candidature grâce au bouton « Apply » et les entreprises reçoivent les dossiers par courrier Facebook.
- A qui cette fonctionnalité est-elle utile ?
Cette nouvelle fonctionnalité peut-être utile aux entreprises qui n’ont investi que peu, voire pas du tout, de ressources dans leur processus de recrutement. Avec cette fonction, ils touchent, sans fournir d’effort particulier, les personnes en recherche d’emploi passive, les étudiants, les personnes à la recherche de postes temporaires et les candidats qui ne sont pas inscrits sur les réseaux professionnels. Quant aux personnes en recherche d’emploi, Facebook leur offre un canal supplémentaire pour trouver des offres intéressantes. Facebook n’est toutefois pas une plateforme d’emploi : les candidats n’obtiendront aucun aperçu du marché de l’emploi et ne pourront pas chercher activement un poste. Les entreprises ne touchent que les utilisateurs de Facebook qui suivent déjà leur page ou qui ont reçu le lien de l’annonce de la part d’une personne de leur réseau via un commentaire ou la fonction « partager ».
Qu’en retire Facebook ? Avec cette fonctionnalité, le réseau social se fraie un chemin sur le marché du recrutement, qui était dominé jusque-là par les plateformes d’emploi classiques et les réseaux professionnels, comme LinkedIn ou Xing. Il élargit ainsi son offre de services pour la « vie réelle ».
- A quoi les entreprises doivent-elles être attentives ?
Toucher un public gigantesque avec des annonces gratuites, voilà la promesse de Facebook. Mais cela ne fonctionne que si la communauté sur la page de l’entreprise (soit le nombres d’utilisateurs qui ont aimé leur page) est déjà grande. Ou si les annonces sont promues à travers un investissement supplémentaire. De plus, les candidatures sont envoyées à l’entreprise via Facebook Messenger. D’une part, cela rend les documents plus difficiles à traiter, et d’autre part, les responsables RH doivent s’occuper d’un canal supplémentaire. Cependant, de nombreuses entreprises utilisent déjà Facebook pour le service clientèle et demandent au service clientèle ou au département de communication de s’occuper du Messenger pour répondre aux réclamations ou aux questions liées aux produits. Avec cette fonctionnalité, ces deux secteurs auraient un accès direct aux candidatures envoyées, ce qui irait à l’encontre des directives générales en vigueur dans la plupart des établissements.
- Quels sont les risques pour les candidats ?
La plupart des utilisateurs de Facebook exploitent cette plateforme en premier lieu à titre privé. Et cela se reflète sur leur page de profil. Si un utilisateur envoie sa candidature par ce biais, il doit être conscient du fait que l’employeur potentiel a un accès direct à son profil et qu’il peut voir ses posts, qui n’ont peut-être rien à voir avec ses ambitions professionnelles ou qui y sont même opposés.
- Quand Facebook Jobs sera-t-elle disponible en Suisse ?
Aucune date n’a encore été annoncée pour la Suisse. La situation juridique est, elle aussi, encore floue. L’envoi des candidatures aux recruteurs via Messenger, en particulier, peut poser des difficultés sur le plan légal en matière de protection des données. Cette situation persistera tant que Facebook n’aura pas clarifié qui peut voir ces données. A cela s’ajoute la question des CV et des données professionnelles, et de leur gestion par Facebook : la sphère privée est-elle protégée ? Facebook peut-il voir et collecter ces données ? Les candidats doivent garder à l’esprit qu’en envoyant leur candidature via Facebook ou Facebook Messenger, ils mettent leurs données à disposition non seulement de l’employeur potentiel, mais également à celle du réseau social.
- Que signifie cette fonctionnalité pour JobCloud ?
« Il s’agit d’une évolution intéressante, qui n’en est qu’à ses débuts, explique Renato Profico, CEO de JobCloud. Mais ce n’a rien de nouveau. » Beaucoup de petites et moyennes entreprises utilisent déjà Facebook pour se positionner en tant que prestataires de services ou de producteurs, mais aussi en tant recruteurs. Certaines l’utilisent aussi pour partager leurs annonces d’emploi. « Les plateformes d’emploi, comme jobup.ch ou jobs.ch, offrent une proximité avec les clients, un service et des pools de candidats détaillés, que Facebook ne peut pas proposer. Les personnes en recherche d’emploi peuvent trouver des offres adéquates grâce à la fonction de recherche, ont accès à toutes les annonces d’une entreprise, apprennent à connaître les entreprises à travers leurs portraits ou leurs vidéos et profitent de conseils et de soutien sur notre Job Coach, explique Renato Profico. Nos plateformes d’emploi jouissent d’une crédibilité très élevée, ainsi que d’une procédure de recrutement simple et sûre autant pour les candidats que pour les entreprises, et qui a fait ses preuves. Vies privée et professionnelle sont clairement séparées. »
Si cette fonctionnalité Facebook devait vraiment arriver en Suisse, ce pourrait être intéressant pour les petites entreprises de la tester ou de l’utiliser comme moyen supplémentaire de publication d’annonces. Selon Renato Profico : « Une étude menée par JobCloud en 2016 montre que les inquiétudes au sujet de la protection des données surviennent lorsqu’il faut télécharger son CV en ligne ou l’envoyer depuis un smartphone. Pour savoir si les candidats suisses seront aussi réticents à l’idée d’envoyer ces données sur Facebook ou de déposer une candidature via leur profil privé, il faudra attendre que cet outil soit disponible et utilisé dans notre pays. »