Découvrez régulièrement sur notre blog des articles écrits par des spécialistes et experts du monde des Ressources Humaines. Nous avons à coeur de donner à ces auteurs une totale liberté totale tant sur le choix des sujets que sur l’angle d’analyse. Découvrez ci-dessous l’article rédigé par Christoph Jordi, fondateur et CEO de DoD!fferent et auteur de la chronique fictionnelle mensuelle « Julie Martin ». Christoph Jordi enseigne également à l’Institut suisse pour l’économie d’entreprise.
« Cette fois on est quitte », se dit Julie. Elle regrette sincèrement son initiative personnelle, mais après avoir porté secours aux archives, elle a pu rattraper ce faux-pas. Cependant, elle n’arrive pas à passer par-dessus cette question pourtant anodine : est-elle vraiment quitte envers Bentex ?
Jeudi matin, Julie n’est pas surprise de se retrouver seule au département des finances. Ce n’est pas tant ce qui lui pose problème. Non, ce qui la tourmente, c’est qu’elle se résigne peu à peu et s’accommode du fait que ce travail de groupe si cher à l’entreprise n’est pas ce qu’elle imaginait.
Lors de l’entretien d’embauche, Alina lui a venté la flexibilité du département des finances, le fait que, chaque matin, ils font une petite réunion sur les canapés confortables, qu’ils résolvent tous les problèmes ensemble et que chacun fait ce qui lui plaît le plus. Au départ, ce tableau plaisait à Julie. Mais l’idée d’accomplir chaque jour les mêmes tâches jusqu’à sa retraite la fait à présent frémir. « Je mourrai d’ennui », murmure-t-elle dans sa barbe.
« C’est si grave que ça ? » demande une voix féminine dans son dos. Julie se retourne, choquée. Tanja, la réceptionniste, est en train de déposer le courrier sur le bureau de Sonia. Julie sent le rouge lui monter aux joues. Elle ne voulait pas prononcer cette phrase à haute voix et n’a pas remarqué que quelqu’un d’autre était dans la pièce. « Non, non, tout va bien. Je pensais juste à autre chose », tente-t-elle pour s’en sortir. « Tu en es sûre ? Sinon on peut aller boire un café et je te raconterai ma première semaine ici, si ça t’intéresse », propose Tanja. Julie n’a aucune envie d’aller boire un café, mais il lui est difficile de refuser. « Ok, allons-y », répond-elle finalement.
« …et voilà comme ça s’est passé pour moi. C’était il y a sept ans. C’est incroyable. Mais explique-moi comment ça se passe dans l’Enfer des chiffres », demande Tanja. « Cette femme a du courage », pense Julie. Elle lui a expliqué sans détours son conflit avec ses supérieurs et comment ils ont finalement pu le régler au bout de longues semaines. C’est seulement après qu’elle était contente de sa place de travail. « De mon côté, tout se passe super bien en fait. Sonia prend du temps pour me former et tout est en fait exactement comme Alina me l’a expliqué pendant mon entretien d’embauche », ment Julie. « Pourquoi dis-tu deux fois « en fait » en deux phrases ? » demande Tanja, avant de rapidement ajouter : « mais si tu le dis… » Elle ne peut pas forcer Julie à en parler. « Pff, qu’est-ce que tu veux… » Il faut que ça sorte un jour ou l’autre. « En fait…comme je le disais avant, je mourrai d’ennui si je dois rester ici, chez Bentex », admet Julie. « C’est une sacrée révélation ! » Tanja pouffe de rire. Julie se joint à elle et cette atmosphère détendue l’encourage à dire ce qu’elle a sur le cœur : ses attentes après son entretien d’embauche, son initiative personnelle, la mauvaise humeur de Sonia, les garçons qui vont et viennent comme ça leur chante, son idée de génie pour les bulletins, dont elle est si fière. Elle lui raconte absolument tout.
« Hmm, laisse échapper Tanja, la mine pensive. J’ai un peu l’impression que tu es déçue de toi-même parce que ton travail ne te plaît pas. » Julie n’en croit pas ses oreilles. « Comment ça ? » « Eh bien, au départ tu trouvais ça génial que toutes les tâches soient accomplies ensemble et que chacun s’occupe uniquement de l’étape du processus qui l’intéresse. Je veux dire que tu étais au courant de ce fonctionnement dès le départ et maintenant il te dérange », explique Tanja. Julie acquiesce. « Mais qu’est-ce que je dois faire maintenant ? C’est peut-être moi le problème si je n’arrive pas à me faire à cette méthode de travail « moderne » », continue Julie. Tanja sourit et ajoute : « Peut-être. Mais je te l’ai dit, j’ai dû me faire violence au début. Discute avec Sonia et parle-lui de ses rendez-vous en dehors de l’entreprise. Demande-lui si tu peux l’accompagner de temps en temps, explique-lui comment tu te sens et dis-lui que tu as besoin de changement et que tu aimerais avoir plus de responsabilités. Tu es fière de ton nouveau système d’archivage. Explique-lui que tu aimerais renouveler ce genre d’expériences. » Julie se lève, convaincue. « Tu as raison, merci ! » Julie est soulagée et peut enfin répondre à sa question : non, je ne suis pas quitte envers Bentex. Mais dorénavant, je vais tout mettre en œuvre pour y remédier.
Ce n’est qu’après une certaine expérience à leur nouvelle place de travail que les nouveaux collaborateurs réalisent dans quoi ils se sont réellement engagés. Les discussions lors de l’entretien d’embauche ne donnent qu’une idée partielle du quotidien dans l’entreprise. C’est pourquoi il est important que les nouveaux collaborateurs puissent exprimer leurs attentes dès le départ. Comme le prouve le cas de Julie, ce n’est pas facile car les nouveaux employés ont l’impression qu’ils doivent d’abord faire leurs preuves, avant de pouvoir avoir des exigences. Cependant, personne ne peut livrer sa meilleure performance dans un environnement de travail où l’employé s’ennuie. Il est donc utile pour les deux parties que les nouveaux collaborateurs sortent de leur réserve et communiquent clairement leurs attentes.
Christoph Jordi est fondateur et CEO de DoD!fferent et auteur de la chronique fictionnelle mensuelle « Julie Martin ». DoD!fferent propose des conseils stratégiques et met l’accent sur la marque employeur. Christoph Jordi enseigne également à l’Institut suisse pour l’économie d’entreprise, où il s’occupe de la formation Cert. Employer Branding.
