Découvrez régulièrement sur notre blog des articles écrits par des spécialistes et experts du monde des Ressources Humaines. Nous avons à coeur de donner à ces auteurs une totale liberté tant sur le choix des sujets que sur l’angle d’analyse. Découvrez ci-dessous l’article rédigé par Bilan, média de référence dans le domaine économique en Suisse romande.
Alors que la créativité joue un rôle toujours plus important dans le monde du travail, le droit de se tromper constitue un élément clé pour améliorer l’efficacité d’une équipe.
Disposons-nous d’un droit à l’erreur dans le cadre de notre travail? En Suisse, nous n’en sommes pas encore à célébrer un échec comme une source d’enseignements plus riche qu’une réussite, comme on le fait aux Etats-Unis. Mais les lignes ont bougé ces quinze dernières années. Avec l’accélération des changements technologiques, le monde professionnel exige toujours davantage d’inventivité des individus.
Plus d’adaptabilité et plus d’initiative aussi. Du moment que le collaborateur n’est plus considéré comme le simple exécutant d’une routine mais comme un esprit indépendant dont l’entreprise attend de nouvelles idées et de l’indépendance, la notion même d’erreur évolue également.
«Il ne peut pas y avoir de créativité sans passer par des erreurs. Il faut s’accorder le droit de se tromper afin de libérer son potentiel, sous peine de museler ses capacités intellectuelles», pointe Isabelle Flouck, fondatrice du cabinet IF Carrière, qui cite Ivan Gavriloff, patron de Kaos Consulting. Cette figure de la scène de l’innovation a coutume de dire que pour une idée géniale, il faut en compter trois d’absurdes. Isabelle Flouck souligne que «personne ne fait d’erreur par plaisir. L’être humain montre une réelle propension à bien faire et à tirer vers l’excellence. L’erreur fait peur car elle déclenche beaucoup d’émotions négatives chez celui qui la commet comme la culpabilité, la colère et la tristesse. L’erreur va avec le goût du risque.»
Avant d’aller plus loin, établissons une distinction essentielle entre faute et erreur. La faute induit l’intention de mal agir, alors que l’erreur est involontaire. Nous parlons ici des erreurs que fait un employé de banque lorsqu’il effectue un ordre. De mauvaises préparations à une présentation qui portent préjudice à l’image de l’entreprise. De la perte d’un budget ou de projets qui plongent dans le rouge à la suite d’une mauvaise évaluation de la situation. Ou encore les erreurs relationnelles qui peuvent déboucher sur des éclats entre collègues.
Des erreurs répétées peuvent être interprétées comme de la négligence et relèvent dès lors de la responsabilité managériale. Un consensus se dégage chez les interlocuteurs qu’a interrogés Bilan autour de l’idée que des erreurs admises et bien gérées jouent un rôle primordial dans l’amélioration des processus et de la production.
Ne pas stigmatiser
Pour Mehdi Guessous, responsable de la région Genève dans le cabinet Vicario, l’entreprise vit aujourd’hui très souvent dans un paradoxe: «L’erreur est inévitable. Or, en règle générale, le management en nie l’éventualité. Le fait d’assumer et de progresser à partir d’un faux pas demande des valeurs de courage et d’humilité, contraires au comportement individualiste qui prévaut souvent sur la place de travail.»
«L’erreur devient intéressante du moment où on l’analyse, on l’évalue et on rebondit, prolonge Isabelle Flouck. Le manager devrait se conduire en coach et demander au collaborateur: «Qu’est-ce que cet épisode t’a permis de comprendre?». Il faut revenir sur ce qui s’est passé, ce qui aurait dû se passer et définir ce qui se passera la prochaine fois. C’est le chemin de la réussite.» Il est évidemment contre-productif de stigmatiser ou d’humilier la personne qui a commis une faute. Elle va se sentir bloquée et envahie par un sentiment négatif qui peut aboutir à la perte d’estime de soi. La performance d’une équipe s’effondre si ses membres sont paralysés par la peur de l’échec.
Savoir rebondir
Cofondateur de la société de développement informatique Liip, Gerhard Andrey a instauré dans son entreprise une organisation qui fonctionne sans hiérarchie: «Nous n’avons pas de managers chez Liip. Personne ne dit à l’autre quoi faire, ni comment mener son job.» Pragmatique, le Biennois reprend: «Tout le monde fait des erreurs. Et sans erreurs, il n’y a pas d’innovation. Chez Liip, nous voulons nous tromper rapidement et bon marché. «Fail early, fail cheap» comme dit l’adage.» Afin d’atteindre cet objectif, la société mise sur la transparence et les rituels des méthodologies dites «agiles». Il s’agit de techniques de réalisation de projets qui accueillent favorablement les demandes de changement et promeuvent un cycle de développement adaptatif, dont erreurs et réajustements font partie intégrante.
L’erreur est une chance si l’on sait la transformer.
«La matière première de l’entreprise, c’est l’information. Et les erreurs commises dans le cadre du travail relèvent de ce matériel. En management, il est donc important d’implanter une culture de l’erreur, où chacun se sent libre de parler sans risque de ses bévues. Cette transparence débouche sur d’importants gains d’efficacité», affirme Mehdi Guessous. Fondateur de BS Management, Bernard Stoessel renchérit: «L’erreur est une chance si l’on sait la transformer. La faute va avec une peur de la sanction qui bloque les individus. Or, le rendement d’une équipe de collaborateurs paralysés par la crainte d’échouer baisse de moitié par rapport à des employés dont la créativité peut se déployer en toute liberté.»
Des principes qui peuvent cependant être difficiles à appliquer car la culture dominante dans les entreprises continue de nier que l’erreur est inévitable. «La tendance est aujourd’hui à surréglementer. Prenez l’exemple du secteur bancaire: Les collaborateurs doivent passer des certifications à longueur d’année. A chaque test, ils sont menacés de renvoi ou de plainte pénale s’ils sont pris en faute. Ces rappels incessants des sanctions sont évidemment ressentis très violemment dans les effectifs», rapporte Bernard Stoessel.
Ne pas être irréprochable
Pour le cadre, la façon la plus efficace de promouvoir une culture de la tolérance, c’est de prêcher par l’exemple. «Le manager doit reconnaître et assumer immédiatement ses erreurs. De cette manière, il crédibilise son statut. Il affiche de la confiance en lui et dans ses collaborateurs. En agissant de la sorte, il donne aussi le signal qu’il sera tolérant face à d’éventuels manquements de l’équipe», conseille Bernard Stoessel. Cette ouverture est fondamentale car les travailleurs qui se contentent d’exécuter des ordres en évitant de prendre toute initiative de peur de se tromper n’apportent rien à l’entreprise. Seuls des gens motivés par une attitude encourageante de la part du management seront en mesure de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Comment réagir lorsque l’on a soi-même commis une erreur? «Eviter toute précipitation, répond Isabelle Flouck. Il faut d’abord reconnaître et assumer son erreur puis dire à son chef: «Prenons rendez-vous demain ou la semaine prochaine pour en reparler.» Ce délai permet de digérer l’événement et de le comprendre.» Réagir dans un deuxième temps a aussi pour avantage d’éviter de devoir s’expliquer alors que l’on est assailli par ses émotions.
Dans cet état-là, l’individu est susceptible de chercher un autre coupable à charger, alors que le message à transmettre à la hiérarchie est qu’il essaie d’analyser ce qu’il peut améliorer à son propre niveau.
En tant que cadre face au constat d’une erreur, le premier réflexe doit être de séparer l’erreur de la personne qui l’a commise. «De cette manière, les deux interlocuteurs peuvent parler de manière dépassionnée dans le but d’éviter que l’erreur ne se reproduise. Une équipe enregistrera de meilleures performances si les erreurs commises sont partagées, dans un contexte de bienveillance, afin que tous les membres puissent bénéficier de ses enseignements», souligne Mehdi Guessous.
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