Découvrez régulièrement sur notre blog des articles écrits par des spécialistes et experts du monde des Ressources Humaines. Nous avons à coeur de donner à ces auteurs une totale liberté tant sur le choix des sujets que sur l’angle d’analyse. Découvrez ci-dessous l’article rédigé par Irenka Krone-Germann, Co-Fondatrice de l’Association PTO qui a mis sur pied l’initiative Go-for-jobsharing.ch et responsable de programme dans la Coopération internationale et le développement au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).
L’économie collaborative et les avancées numériques nous forcent à réinventer et transformer nos environnements de travail. Work Smart, Travail 4.0., télétravail, réorganisation des équivalents plein temps, job et top sharing, crowd working, – tout se mue dans une voie nouvelle du marché du travail. Créativité et structure innovante d’organisation sont requises pour parvenir à des formes de travail attrayantes et efficaces répondant aux attentes des nouvelles générations. Dénicher les meilleurs talents et les préserver au sein de l’entreprise deviennent les défis principaux des recruteurs et des responsables en ressources humaines. Le job et top sharing revêt une des solutions particulièrement intéressantes.
Révolution numérique touche la gestion du capital humain
La révolution numérique est l’un des étapes les plus importantes depuis l’industrialisation. Elle force l’être humain non pas seulement à repenser ses rapports à la machine et la robotisation, elle lui demande de repenser aussi sa manière de travailler dans un monde en constante mutation. Toutes les générations confondues y sont confrontées. Les babyboomers qui quittent progressivement le marché du travail et qui souhaitent transmettre leur savoir et compétences mais aussi apprendre des générations plus jeunes particulièrement habiles dans le monde numérique. La génération X des personnes qui aujourd’hui dirigent de grandes unités de travail et qui sont à cheval entre une pensée de réforme du management et des structures plus traditionnelles. Enfin, les générations Y et Z qui ont grandi avec la révolution digitale et qui aspirent bien souvent à d’autres valeurs, telles que la liberté, la créativité, et l’équilibre vies professionnelle et privées.
Ces générations sont particulièrement attirées par les formes flexibles d’emploi. Ces travailleurs et travailleuses sont nés ou ont grandi dans un monde entièrement virtuel et sont souvent déjà actifs en partie dans l’économie collaborative, communément appelée Sharing Economy. Ils aspirent à une organisation plus horizontale du travail, sur la mise en commun d’espaces et sur les nouvelles formes de production et d’organisation citoyennes « en réseau » (peer-to-peer).
Optimiser les compétences des experts au sein de la gestion des talents
Si l’on considère l’aspect genres, 59% des femmes travaillent aujourd’hui à temps partiel en Suisse. Chez les hommes, ce mode de travail représente 17% (actifs occupés, OFS, 2016). Cette différence entre les deux sexes est l’un des plus élevés au monde et est d’autant plus surprenante qu’il existe aujourd’hui de moins en moins de disparités entre les genres en ce qui concerne le niveau de formation.
Depuis plus de 20 ans, le niveau d’éducation des femmes a considérablement évolué si bien qu’aujourd’hui, davantage de femmes disposent d’une maturité fédérale que d’hommes. Dans plusieurs formations autrefois suivies essentiellement par la gent masculine, les femmes sont même plus nombreuses (ex : médecins, enseignants, juristes). Cette réalité n’est actuellement pas reflétée dans le monde professionnel.
Parmi les pays en Europe, la Suisse ne compte aujourd’hui pas encore beaucoup de femmes dans des positions-clé de l’économie (8% de femmes seules sont membres de directions d’entreprises, 17% font partie de conseils d’administration). Il y a toutefois aujourd’hui une plus grande mixité au sein des instances de direction et dans les conseils d’administration et la Suisse doit poursuivre sur cette voie sous peine de rester à la traîne des autres pays d’Europe occidentale (cf. schillingreport 2017).
Le modèle de partage d’emploi permet à plus de femmes aujourd’hui de faire une carrière tout en gardant un mode flexible de travail permettant de mieux concilier vie privée et professionnelle.
Le job sharing, une troisième voie entre temps partiel et temps complet
Le partage d’emploi – communément appelé job sharing – n’est pas un concept nouveau. Evoqué pour la première fois aux Etats-Unis en 1977, le job sharing prend aujourd’hui un essor nouveau grâce à l’ère numérique. Les technologies de l’information permettent d’optimiser les flux de communication entre job sharers, condition sine qua non pour assurer un bon suivi des dossiers ou tâches. Les prises de décision rapides et communes suscitent une meilleure productivité cumulée du tandem. Co-responsables de leurs tâches, les partenaires en duo se partagent un poste de travail sur un même lieu de travail, mais aussi en divers lieux par une connexion quasi permanente.
Ce modèle de travail est intéressant pour toutes les générations, hommes et femmes confondus. C’est une troisième voie car pour l’employeur le duo représente du temps complet (avec une présence continue du tandem durant toute la semaine) et pour l’employé son engagement reste à temps partiel (entre 50-70%). L’employeur bénéficie de deux expertises au prix d’une et s’offre en parallèle une présence à 100% en entreprise. Le cumul des compétences se fait sentir au niveau des langues, de l’expérience de chaque partenaire et des qualités personnelles au sein du binôme. S’ajoute à cela un surplus de productivité si l’on tient compte de la juxtaposition de deux personnes à plein rendement. Les prises de décision sont elles aussi souvent plus abouties par l’échange entre partenaires et par les réseaux à double (voir témoignages et films diffusés sur le site www.go-for-jobsharing.ch).
Pour les employés, les avantages tiennent à l’accès facilité à des postes à responsabilité, à la diversité et à l’innovation au travers d’une large palette d’activités professionnelles, à la conciliation entre vies professionnelle et privée.
Optimiser la gestion de talents : retenir les talents
Afin de conserver les talents, les employeurs responsables soutiennent ces modèles de partage d’emploi pour rester attractifs face à la concurrence. La rétention de talents est un thème majeur pour les spécialistes en ressources humaines et le management. Perdre une femme hautement qualifiée après une dizaine d’années d’activité professionnelle, lorsqu’elle attend son premier enfant et souhaite réduire son volume d’activité, survient plus fréquemment lorsque l’entreprise ne peut offrir un temps partiel combiné avec un poste à responsabilité. Face à de telles situations, le job ou top sharing est une solution particulièrement intéressante, voir témoignages filmés par PTO auprès de IWB ou Swisscom. Voir aussi les témoignages des milieux médicaux (ex. CHUV) où les médecins sont eux aussi aujourd’hui de plus en plus intéressés par ces modèles flexibles de travail.
Mais le job sharing n’est pas fait pour tous et nécessite des conditions claires : flexibilité, générosité, engagement professionnel, volonté de dialogue, partage du pouvoir et confiance en l’autre. En outre des valeurs communes sont profondément requises pour assurer une vision commune.
Etes-vous intéressé-e pas le jobsharing ? Je suis co-organisatrice du 2ème COLLOQUE INTERNATIONAL de PTO sur le job et top sharing, slash careers et work smart qui aura lieu le 6 novembre 2017 au Campus Novartis à Bâle, voir programme. Ce colloque regroupera près de 35 experts et speakers de l’économie privée et publique de neuf pays. Plusieurs panels interactifs permettront d’échanger sur les modèles flexibles de travail et un speeddating professionnel est même prévu à la fin du colloque.
Co-Fondatrice et directrice de l’Association PTO qui a mis sur pied l’initiative Go-for-jobsharing.ch, Irenka Krone-Germann est aussi co-fondatrice de la première plateforme de mise en partenariat professionnel en Suisse wejobshare.ch. Irenka Krone-Germann travaille en parallèle de son activité d’entrepreneuse comme responsable de programme dans la Coopération internationale et le développement au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Dr en économie, elle est l’auteure du livre « Part-time Employment in Switzerland Relevance Impact and Challenges » et a co-dirigé l’ouvrage collectif sur le partage d’emploi – job sharing.