Découvrez régulièrement sur notre blog des articles écrits par des spécialistes et experts du monde des Ressources Humaines. Nous avons à coeur de donner à ces auteurs une totale liberté totale tant sur le choix des sujets que sur l’angle d’analyse. Découvrez ci-dessous l’article rédigé par Christoph Jordi, fondateur et CEO de DoD!fferent et auteur de la chronique fictionnelle mensuelle « Julie Martin ». Christoph Jordi enseigne également à l’Institut suisse pour l’économie d’entreprise.
Depuis sa dernière escapade, la visite virtuelle de l’entreprise Selon, Julie est devenue très active sur Meerkat. Elle vient de se connecter, et regarde la vidéo d’une réunion financière à Berlin. Elle est en train de rédiger sa troisième question lorsque son natel sonne.
Elle décroche. « Bonjour Julie, ici Jolanda Bertschinger de Transol. Nous nous sommes rencontrés à la fête de candidature. Les autres collaborateurs des Finances et moi-même t’avons trouvée très sympathique et nous souhaiterions t’inviter pour un deuxième entretien. » Il faut un moment de réflexion à Julie, car l’évènement de candidature auprès de l’entreprise de transport remonte déjà à quelques semaines et elle ne pensait plus avoir de leurs nouvelles. « Bonjour Jolanda, répond Julie, je suis ravie d’avoir de tes nouvelles ! » Jolanda et Julie conviennent d’un deuxième entretien, plus privé cette fois.
Le jour du deuxième entretien, Julie a 15 minutes d’avance. Elle attend l’arrivée de Jolanda dans la salle d’accueil. Elles s’installent ensuite dans une petite salle de réunion, et non pas dans la salle des fêtes comme lors de la fête de candidature. Jolanda a un épais dossier en cuir plein de documents avec elle. Après la première rencontre détendue, cela fait une étrange impression. Au-dessus de la pile, il y a le CV de Julie, suivi d’une montagne d’autres documents. Jolanda commence à les feuilleter et demande calmement : « J’ai vu sur Xing que Joshua Blattner est un de tes contacts. Sais-tu qu’il a travaillé ici ? » Julie est confuse ; elle ne s’attendait pas à des questions aussi concrètes. « Uhm, non, je ne le savais pas. Je ne connais pas très bien Joshua Blattner, nous ne nous tutoyons même pas. Si je me souviens bien, nous avions assisté tous les deux à une conférence. Mais il y avait énormément de personnes », répond Julie prudemment. Elle a un mauvais pressentiment concernant cette question. « Bon… ok, dit Jolanda. C’est juste que le poste ouvert était occupé par Joshua pendant cinq ans, alors je pensais que tu le savais », explique-t-elle.
Julie hoche la tête, mais ne fait aucun commentaire. Jolanda continue de feuilleter sa pile de documents.
« J’ai vu sur Facebook que tu fais de l’escalade à un niveau avancé. Savais-tu que chez Transol nous pouvons obtenir des abonnements à prix réduit pour la halle d’escalade ? »
Julie sourit malgré elle. « Non, je n’ai lu cela nulle part. Y a-t-il de nombreux collaborateurs qui font de l’escalade chez Transol ? » demande-t-elle. « En effet, ce n’est pas écrit dans nos avantages collaborateurs », répond Jolanda, mais effectivement, nombre de nos collaborateurs font de l’escalade. D’ailleurs, j’ai moi-même un abonnement et j’en fais tous les mardis et jeudis à midi. » Puis, elle continue sur un ton calme : « J’ai vu sur LindedIn que tu as travaillé pour ton ancien employeur jusqu’en avril dernier. Pourtant dans ton CV, il est mentionné que tu étais engagée jusqu’en juillet. Du coup, je suis un peu confuse ». Après la question au sujet de l’escalade, Julie se sent de nouveau prise au dépourvu.
Elle n’apprécie pas du tout ce type de questions ; cela lui donne l’impression que sa vie toute entière est passée aux rayons X par le docteur Jolanda.
« Oui, c’est parce que j’ai pris trois mois de vacances à Ibiza avant l’arrivée du bébé », dit-elle.
Jolanda la dévisage d’un air confus.
Julie sourit. « C’était une blague. Il y a du avoir une erreur sur LinkedIn. J’ai posé ma démission au mois d’avril et j’avais encore trois mois de préavis, comme convenu avec mon employeur. Ils ont été informés depuis le début au sujet de ma grossesse, et nous avions déjà discuté au cours de l’hiver de la manière dont nous allions gérer cela. » Jolanda hausse les sourcils. Elle prend des notes sur un des documents dans son dossier, puis elle continue de le feuilleter. « J’ai une dernière question Julie : pourquoi ne veux-tu pas retourner chez ton ancien employeur ? » Julie s’était préparée à cette question. Elle s’en réjouissait tellement qu’elle faillit demander : « Tu n’as pas déjà lu ça sur Twitter ? » Au lieu de cela, elle explique : « Après avoir passé quatre ans chez le même employeur et dans le même département, j’aimerais relever un nouveau défi. » Jolanda semblant satisfaite par cette réponse, elle gribouille quelque chose dans son dossier et le ferme.
« Ouf, pense Julie, l’interrogatoire est terminé. » En sortant de la salle de réunion, Jolanda ajoute : « Tu auras de mes nouvelles Julie ! ». « Pourvu que non, » pense Julie, tout en répondant qu’elle a hâte.
Il est normal que les candidats et les recruteurs s’informent sur internet au sujet de l’autre partie avant un entretien. Ces informations ne peuvent toutefois pas remplacer une rencontre personnelle et sans préjugés. Les informations trouvées sur internet sont toujours incomplètes et ne devraient être utilisées qu’en tant que renseignements supplémentaires et ne devraient pas monopoliser tout l’entretien. Sinon cela risque de se passer comme avec Julie et Jolanda : la rencontre se transforme en interrogatoire sur des faits prétendument connus.
Christoph Jordi est fondateur et CEO de DoD!fferent et auteur de la chronique fictionnelle mensuelle « Julie Martin ». DoD!fferent propose des conseils stratégiques et met l’accent sur la marque employeur. Christoph Jordi enseigne également à l’Institut suisse pour l’économie d’entreprise, où il s’occupe de la formation Cert. Employer Branding.